Rencontre avec Pedro Coquenão, le mentor de Batida


Pedro Coquenão est aujourd'hui l'un des artistes portugais les plus actifs sur la scène internationale. Des concerts dans le monde entier aux collaborations les plus variées (de Damon Albarn à MC Sacerdote), le luso-angolais est entrain de laisser sa trace sur la sono mondiale. A quelques jours de la sortie de son nouvel album Dois, il a accepté de répondre à nos questions et raconte son parcours.


Luso Sounds: Pedro, peux-tu te présenter: nous dire qui tu es, ce que tu fais et quel est ton parcours musical?
Pedro Coquenão: Ce n'est pas un exercice évident. La version officielle repose sur le fait que je sois né en Angola, que j'ai grandi au Portugal, m'enrichissant de choses et d'autres. Mon premier travail est en radio: j'ai été dj, programmateur, j'ai fait plein de choses en radio. Ensuite j'ai travaillé dans l'audiovisuel, réalisé des clips et des documentaires. Puis un jour j'ai tout lâché, je voulais être plus proche des artistes et apporter ma modeste contribution à leurs carrières. Il y a quelques années, je me suis risqué à faire mes premières productions. Aujourd'hui j'ai une émission hebdomadaire sur les radios Antena 3 et RDP Africa. De cette façon, je continue à échanger des idées avec d'autres artistes et je partage l'espace de divulgation dont je dispose. Mon parcours musical est mon parcours en tant que personne. Pour le présenter de façon chronologique, j'ai d'abord joué du tambour, chanté, joué du marimba et fait comme ça des petits shows, à 4 ans. J'ai ensuite grandi en écoutant les disques de ma mère puis été forcé d'écouter les cassettes de ma tante. Dans mon adolescence, j'ai mon beau-père qui joue de la basse et moi qui ne sort pas le soir pour pouvoir m'acheter des disques. J'assiste ensuite à des centaines de concerts, j'interview des artistes, je filme et photographie la musique. Je commence à faire de la musique en 2008.

Ton nouveau disque sort très prochainement. Comment s'est passé son enregistrement et quelles sont les grandes différences en comparaison avec Dance Mwangolé?

Après ce disque, j'ai eu l'occasion de refaire Dance Mwangolé. Donc ce Dois est en quelque sorte mon second-album-et-demi. Je n'ai pas de méthodes particulières pour faire les choses. La plus grande différence est dans l'intention. Je sais mieux comment faire certaines et cela me permet de mieux faire ce que je veux. Les expériences scéniques, les voyages à Nairobi, la compilation Africa Express et le fait d'avoir un local pour travailler sont des bonnes influences, tout comme les personnes que j'ai rencontré et avec lesquelles j'ai travaillé.

On peut lire sur le site de Soundway Records qu'en plus des habituels samples, ce disque contient des parties originales. Tu as souhaité travailler différemment ou tu ne trouvais simplement pas ce que tu voulais?

Original ça peut être tout et rien, tout part de quelque chose. Je ne vois pas l'utilisation de samples comme étant quelque chose de moins original ou organique et je ne vois pas non plus l'utilisation d'instruments comme quelque chose qui garantisse que ce que tu fais est original. Je travaille avec ces deux méthodes de la même manière et avec la même intention. Rechercher de nouvelles formules ou ne pas me limiter à une seule peuvent être une des raisons. Ça avait également plus de sens de le faire comme ça. Le disque commence par un sample de Matadidi mais finit par une session en studio avec François & Atlas Mountains.

Dois, comme son nom l'indique, est ton second album. Tu ressens une pression supplémentaire pour celui qui est supposé être l'album de la confirmation?

Non pas particulièrement. Je crois que cette histoire du second disque est un mythe ou une invention de journaliste. Les personnes ne font pas attention à ça: ils aiment ou ils n'aiment pas, point. Par contre, la presse ou les managers peuvent ne te donner que deux chances, mais toi tu peux t'en offrir davantage. La plus grosse pression est dans le sentiment de te dire qu'il faut le faire. Or celui-ci est déjà fait :)

Certaines de tes chansons véhiculent un message politique tout en restant dansantes. C'est quelque chose que tu cherches à faire?

Qu'elles soient dansantes, oui. Qu'elles soient honnêtes et libres aussi. Si elles sont politisées ci ou là, c'est simplement une conséquence naturelle du fait d'être sensible à ce qui t'entoure.

Il y a plusieurs invités sur ce disque et tous d'horizons très différents. Comment les as-tu rencontrés et comment se sont-ils retrouvés sur le disque? 

Les rencontres ont été faites à Lisbonne, Luanda, Nairobi ou Marseille. Ils sont sur ce disque car il y a entre eux et moi une admiration et une inspiration réciproque.

Comment t'es-tu retrouvé sur le label Soundway Records?

J'ai tenté de faire connaître mon travail à d'autres personnes et j'ai eu le plaisir d'être soutenu par des blogs spécialisés ou des djs de plusieurs pays. Le propriétaire de Soundway a du lire ou écouter l'un d'entre eux et il m'a proposé d'être le premier artiste "récent" de son label. J'ai bénéficié de la crédibilité qu'ils se sont en construits à sortir des disques fantastiques depuis dix ans. C'était l'un de mes labels favoris et ça continue à l'être.

Ces derniers temps il y a eu beaucoup d'artistes ou groupes qui mélangent des musiques africaines à des sonorités urbaines. Est-ce qu'il faut voir en cela une affirmation de sa pluriculturalité de la part de la jeunesse portugaise? 

Il n'est pas nécessaire d'affirmer. Le Portugal est un pays de métissage. Il a été le nord de l'Afrique avant d'être en Europe. Il y a des racines et des traces africaines dans l'histoire du pays même dans son histoire récente. Lisbonne a été un point de départ de beaucoup de voyages mais également un point d'arrivée. Tout cela a bougé et continue à bouger naturellement. Cela fait très longtemps que les artistes échangent. Peut-être qu'aujourd'hui c'est simplement plus évident ou assumé.

Quelle est ton opinion sur la scène musicale portugaise aujourd'hui?

Les artistes ont très bien réagi à la crise. De très bonnes choses ont été faites dans le but d'emmener la musique un peu plus loin, en particulier en ce qui concerne la musique plus traditionnelle. Il y a encore un long chemin à faire avant de considérer toute la musique faite au Portugal comme étant portugaise et susceptible d'être écoutée par tous. Il y en a certaines plus que d'autres mais c'est bon de savoir que d'autres artistes voyagent. On a tous à y gagner. Tant en tant qu'artiste qu'en tant qu'humain. Au Portugal, il y a toujours très peu d'espace, d'investissements et d'importance donnée à la musique. Ce sont pourtant des choses très basiques et pourtant essentielles pour faire de nous des personnes meilleures.

Dans l'ordre: musique, artiste, film et livre favori?

Je ne peux pas en choisir un seul. Je défends l'idée que l'on peut mettre plusieurs choses à la première place. Mais pour ne pas faire le chiant, je vais te répondre ce que j'ai déjà répondu une fois: Good Vibrations des Beach Boys.

Tu étais en France le mois dernier. Comment ça s'est passé?

Très bien! J'ai beaucoup aimé l'ambiance à Dijon, d'autant qu'il s'agissait d'une date en pleine semaine. J'ai également beaucoup aimé découvrir le festival Coconut à Saintes. Il est déjà très bien et a tout pour le devenir encore plus.

Le dernier mot te revient.
Ciel
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