Sensible Soccers avant son Divan du Monde


Pour la première fois en France, Sensible Soccers vient montrer son toucher de balle au public parisien. Avec son premier album, le grand 8, et au terme d'une saison 2013/2014 dont ils ont été les grands champions, le quatuor se déplace ce soir au Divan du Monde pour un match de gala. Avant de chausser leurs crampons pour fouler la scène et enchaîner contrôles, dribbles, petits ponts, frappes et buts, Emanuel Botelho, Filipe Azevedo, Hugo Alfredo Gomes et Manuel Justo répondent à quelques questions.



Luso Sounds: Première et inévitable question. Qui sont les Sensible Soccers?

Sensible Soccers: Nous sommes quatre amis qui faisons de la musique. Ce n'est pas tout à fait exact mais on va dire que le groupe est né en 2011, ce qui est également l'année du lancement de notre premier EP. Depuis on a beaucoup joué sur scène pour montrer ce qu'on faisait et on a sorti notre premier album l'année dernière. D'ailleurs, on vient juste de clore la tournée de promotion de 8. De nous quatre, deux sont de São João da Madeira et deux de Vila do Conde (NDLR: deux villes du nord du Portugal). On s'est tous rencontrés à Coïmbra, deux étudiaient là-bas et à l'époque Filipe avait d'ailleurs déjà un groupe.La connexion s'est faite et on a commencé à jouer ensemble.


LS: Comment vous pourriez définir votre musique?

SS: Chacun peut avoir sa propre opinion mais disons qu'il s'agit d'une musique avec une charge mélodique très forte. La répétition des sons contribue aussi à cela, on va passer peut-être dix minutes à répéter la même sonorité, avec quelques variations tout de même, et ça nous amène proche du rock progressif. On nous dit également que notre musique a un côté cinématographique, ce qui s'explique sans doute par le fait que notre musique soit presque exclusivement instrumentale. Nos titres sont propices à la création d'un imaginaire dans l'esprit de celui qui l'écoute. On y retrouve aussi un côté psychédélique bien sûr. Il y a beaucoup de choses dans notre musique et c'est vrai que nous ne sommes pas toujours les mieux placés pour la définir.


LS: Je reviens sur le côté mélodique dont vous parliez. Il y a effectivement des passages qui entrent très facilement dans l'oreille.

SS: Je crois que c'est notre marque de fabrique et notre identité musicale. On n'aime pas rester à explorer quelque chose de froid, Même instrumentale, on a besoin de sentir la musique que l'on fait. Au-delà de ça, on écoute de tout y compris la pop plus commerciale, on y trouve généralement une construction mélodique intéressante et on peut retrouver cet aspect là dans notre musique. Cette charge mélodique est aussi ce qui unit nos différentes chansons qui peuvent, au départ, paraître très différentes les unes des autres. C'est criant sur notre premier EP où, à la première écoute, on peut avoir le sentiment qu'aucun titre n'est lié à un autre et au final il y a pourtant une vraie cohérence.


LS: Qu'attendiez-vous de ce premier disque? Vous aviez déjà des retours positifs aussi bien des concerts que vous faisiez que de l'EP que vous aviez sorti mais est-ce que vous aviez une ambition particulière pendant que vous enregistriez ce disque?

SS: Ce qu'on voulait surtout c'était enregistrer des titres que l'on jouait depuis un moment en concert et, à l'inverse, des titres que l'on travaillait en studio et que l'on voulait ajouter à notre setlist. Ce disque a fini par servir à nous présenter et à présenter ce que l'on faisait à côté de la scène. Pour le reste, on n'avait d'attentes en fait. On voulait bien sûr que ça plaise au public. Ce serait mentir de dire qu'on ne fait pas de la musique en espérant que ça plaise. Les attentes, on les a déjà fixées pour nous. T'arrive à un moment où le disque est enregistré et voilà, c'est ça. Est-ce que c'est bien ce que j'attendais? Après tu fais aussi en fonction du temps, du moyen et du matériel à ta disposition. A partir de là, tu as une offre musicale à mettre à la disposition des autres et c'est à eux de dire si ça répond à ce qu'ils attendent.


LS: Et la réception a été plutôt excellente que ce soit de la part du public que de la presse. Ça vous a naturellement laissé satisfait?

SS: Bien sûr! Ça nous a aussi permis de repartir de plus belle. Nous avions déjà fait un peu le tour des salles nationales avec notre premier EP. Ce disque nous a donc offert du matériel pour réorganiser notre setlist et refaire un tour. Mais ce circuit tu ne peux le faire que si le public adhère et que la presse parle un peu de toi. Naturellement que ces critiques positives ont fait que nous avons pu repartir et ça nous a laissé forcément très satisfait.


LS: Il est toujours beaucoup question de dématérialisation de la musique avec une offre en streaming et download toujours plus importante. Pour autant, et pour votre tout premier disque, 8 est sorti en digital, en CD, LP et même en cassette. C'était quelque chose de voulu ou plutôt des opportunités que vous avez su saisir?

SS: Les deux! Ça a été une volonté qui s'est bien encadré avec des opportunités. Pour 8 nous avons travaillé avec deux labels qui ont chacun sorti des formats différents de notre disque. PAD s'est chargé de l'édition de la cassette et Groovement du vinyle et du CD.

LS: J'ai d'ailleurs lu dans une autre interview qu'au départ, le seul moyen de pouvoir écouter ce disque était la cassette. C'est le premier format physique qu'a connu 8.

SS: Encore une chose qui est tombée par hasard mais bien tombée. Au départ on pensait sortir le disque fin 2013, on avait même déjà commencé à organiser une tournée avec des dates à Porto, Lisbonne ou Coïmbra. Finalement, les délais de fabrication du disque se sont rallongés et comme, à l'époque, nous avions déjà et uniquement les cassettes, on s'est dit que ce serait intéressant de faire une sorte de pré-sortie uniquement dans ce format (NDLR: le CD et le vinyle ne sont sortis qu'en février 2014). Ce qui a été amusant c'est que cet "accident" nous a amené à repenser la façon avec laquelle nous allions sortir le disque: de façon plus énigmatique, par petits bouts. On s'est donc adapté et ce retard dans la fabrication des disques a fini par nous être favorable. Le disque aurait dû sortir fin 2013, il se serait peut-être noyé dans la masse et cette période n'aurait pas permis à la presse de l'écouter plus confortablement. Au final, on a commencé à défendre ce disque à partir de décembre 2013 et aujourd'hui on est toujours entrain de le faire, c'est quelque chose de moins en moins commun. Aujourd'hui le public passe rapidement à autre chose et cela ne permet pas toujours à un groupe ou un artiste de pouvoir tourner aussi longtemps. C'est quelque chose qu'on arrive à gérer plutôt bien, beaucoup de gens n'ont pas encore écouté notre disque, même au Portugal, ce qui nous permet de continuer à le défendre sans pour autant fatiguer celui qui nous connait déjà. Les durées de nos chansons ne  permettent pas de passages en radio si ce n'est dans des émissions bien particulières, jamais en powerplay. De ce fait, pour nous connaître, il y avait les concerts et, au départ, les cassettes.


LS: Premier concert hors de la péninsule ibérique, vous espérez quoi de cette première date parisienne?

SS: Premièrement il y a eu cette volonté de Forecast, des gens avec plein de bonne volonté qui ont fait un grand effort pour nous faire venir. En arrivant on réalise beaucoup mieux ce que ça représente, on a été super bien reçu, l'endroit me paraît très bien et à priori il va y avoir un peu de monde en plus. Jouer devant cent personnes serait déjà un rêve pour nous. Mais ce qu'on espère surtout c'est déjà faire un bon concert, peu importe le nombre de personnes qui seront là. Mais encore une fois, ce qui nous fait le plus plaisir c'est de voir que des personnes ont fait beaucoup d'efforts pour nous faire venir et ça nous touche bien sûr. On avait commencé de même façon au Portugal, quand on a donné nos premiers concerts on ne savait pas si on allait en donner d'autres ni où ça allait nous mener. On a fait les choses pas à pas et ce soir c'est un nouveau pas que l'on fait. Notre setlist de ce soir sera d'ailleurs celui que l'on joue également au Portugal, on a envie de montrer ce qu'on fait, et on mettra les mêmes efforts si il n'y a que dix personnes devant nous.


LS: Question essentielle! Lors de vos concerts pendant la chanson Sofrendo por Você il y a souvent un type qui débarque sur scène en caleçon et chaussettes pour se mettre à danser. Il est évidemment là avec vous ce soir?

SS: Ah Ah! Non désolé il ne sera pas là ce soir! Cette histoire a commencé avec le clip de cette chanson où l'on voit neuf jeunes hommes entrain de danser de façon sexy et amusante. L'un d'eux est Ricardo, un ami acteur, qui nous a ensuite proposé de nous accompagner sur scène de temps en temps et faire ce mini show. Il nous disait "ce soir je viens" et on lui laissait carte blanche. Sauf sur une date (NDLR: dans la salle Passos Manuel à Porto) où il y a eu une invasion sur scène et Ricardo était là également! On ne s'y attendait pas et sur la vidéo (voir ci-dessous) on voit bien notre étonnement! Après ça n'a jamais été quelque chose de "commandé", on ne lui a jamais dit "ce soir on joue à tel endroit, tu viens?", c'est toujours quelque chose qui arrive sur le moment. C'est spontané!



LS: Vous disiez tout à l'heure que vous veniez de conclure la tournée de promotion de 8 mais je sais que vous avez encore trois concerts spéciaux en mai/juin. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus?


SS: On vient de conclure la tournée de promotion de 8 au Portugal. En dehors le disque est inconnu donc si des opportunités pour le défendre à l'étranger se présentent nous serons ravis de le rejouer. Mais au Portugal oui, tournée terminée. Nous avons déjà commencé à préparer de nouvelles chansons pour ces trois concerts "commandés". Laetitia Morais, une artiste plastique et visuelle, se joindra à nous pour montrer ces nouveaux titres. Nous entrerons ensuite en studio pour probablement les inclure sur notre prochain album.


LS: Vous vous considérez plutôt un groupe de studio ou de scène? Ce sont deux mondes dans lesquels vous vous exprimez différemment je crois.

SS: On a déjà eu cette discussion entre nous et on se considère plutôt un groupe de scène. Simplement parce que c'est sur scène que l'on se retrouve le plus souvent. On a cette particularité de ne pas habiter près les uns des autres et d'avoir ce rituel des répétitions du samedi après-midi. Très souvent ce qui se passe c'est qu'on se voit la veille d'un concert pour vérifier que les mécanismes sont toujours là et le lendemain on est sur scène. Des  fois on ne se voit même pas la veille. Certains des titres de 8 sont également nés sur scène et c'est ensuite qu'on a du réfléchir à comment les mettre en disque. De par notre histoire, on ne peut même pas dire que nous sommes un groupe de studio, nous n'avons pas enregistré le disque dans un studio traditionnel mais au domicile de l'un d'entre nous. En revanche, le prochain disque sera normalement enregistré dans un "vrai" studio puisque nous pourrons profiter des installations de la salle GNRnation à Braga.


LS: Vous avez déjà révélé la sortie d'un prochain album et cette création pour trois concerts spéciaux. Vous avez d'autres projets en route?

SS: Pour l'instant ça va être ça. On va aussi faire une pause concernant les scènes jusqu'à début 2016 excepté, encore une fois, si des opportunités pour jouer à l'étranger se présentent. C'est aussi notre volonté de ne pas fatiguer le public en étant tout le temps partout. On a le sentiment que cette pause nous sera favorable et que ce n'est pas parce qu'on se sera un peu éloigné de la scène que le public nous oubliera. On va donc continuer à travailler avec notre amie Laetitia, enregistrer de nouveaux titres et présenter quelque chose de neuf à partir de 2016.


LS: Question un peu plus généraliste. C'est comment d'être musicien aujourd'hui au Portugal avec ce contexte économique défavorable?

SS: On aurait aimé être nés à une autre période. Dans les années 90 par exemple, les moyens économiques du milieu musical étaient plus importants et pouvaient permettre à un artiste de vivre correctement. C'est évident que si on faisait ce qu'on fait aujourd'hui mais vingt ans en arrière, on serait beaucoup mieux. On ne vit pas de notre musique, ce que l'on gagne nous permet juste de rentrer dans nos frais et payer les dépenses liées au matériel, aux déplacements, etc... A côté de ça, on limite nos dépenses privées au strict minimum.


LS: Mais ce contexte vous obliger du coup à devoir vous débrouiller beaucoup plus et faire preuve d'imagination.

SS: C'est même plus profond que ça. On note des différences énormes avec d'autres groupes que l'on rencontre. Leurs membres sont des gens qui travaillent, ils sont architectes, ingénieurs, etc... ou ce sont des petits jeunes. Ils ne sont donc pas dans la même situation économique et ne dépendent pas de leur musique pour vivre. Les différences sont notables principalement sur scène. Ce sont des gens très professionnels, pour certains même meilleurs musiciens que nous mais lorsqu'ils montent sur la scène c'est pour se relâcher, évacuer le stress de leur semaine de travail d'une certaine façon. A l'inverse, nous sommes concentrés toute la semaine sur notre musique et notre posture est donc très différentes de nos confrères quand nous montons sur scène. Mais malgré toutes ces difficultés, le pays connaît une très bonne phase musicalement parlant avec beaucoup de très bons artistes qui sortent de très bons albums.


LS: Ce qui nous amène à la question suivante. Avez-vous l'impression qu'il y a plus de recruteurs, pour rester dans le thème du football, de labels, distributeurs ou tourneurs étrangers qui surveillent ce qui se fait au Portugal? Encore cette semaine un journal finlandais a écrit un article sur Dj Marfox.

SS: Je pense que Dj Marfox et son label Principe Discos sont un cas particulier. Ils sont intégrés dans un circuit de clubs qui leurs permet de jouer aux quatre coins de la planète, à partir de là c'est presque normal que la presse locale en parle. Ils sont aussi les fers de lance d'un nouveau mouvement musical qui fait beaucoup parler de lui. Mais effectivement, il se passe quelque chose au Portugal. Beaucoup de très petites structures se sont créées pour organiser des tournées d'artistes étrangers ou des concerts intégrés dans des tournées. Tout cela permet de créer des contacts avec l'étranger et laisse la possibilité de faire jouer des artistes nationaux à l'étranger, une sorte d'échange. Ensuite il y a Internet qui fonctionne bien et permet de toucher n'importe qui et n'importe où dans le monde.. 

LS: Ce qui s'est passé avec Black Bombaim par exemple qui sont déjà venus plusieurs fois jouer en France et jouent régulièrement à l'étranger.

SS: Exactement. Dans leur cas ils ont aussi bénéficié du travail du label Lovers & Lollypops qui a l'habitude d'organiser des concerts de groupes étrangers au Portugal qui s'intègrent bien dans le style musical de Black Bombaim. C'est un très bon moyen pour atteindre une certaine internationalisation. Il existe plein de façons différentes de toucher un public étranger, Dead Combo a sa façon, Legendary Tigerman a sa façon, Moonspell a sa façon, etc... Il y a aussi parfois la chance de pouvoir s'intégrer dans un circuit particulier. Dés fois on entend des choses et on se dit "il y a vraiment des gens qui consacrent du temps et de l'énergie pour faire vivre cette scène" et on arrive à cette conclusion que oui, ça existe et heureusement même. 


LS: Qu'écoutez-vous comme musique actuellement?

SS: En ce moment on écoute beaucoup les derniers Gala Drop et Ariel Pink. On écoute aussi le Fornalha de Norberto Lobo, B Fachada aussi, Panda Bear, Scott Walker. Beaucoup de choses très différentes jusqu'à la pop ou le hip-hop.


LS: L'interview se termine. Une dernière chose à ajouter?

SS: Oui, le truc qui s'est passé avec Abel Xavier là, il n'y a pas eu main (NDLR: référence au penalty sifflé à l'avantage de la sélection française contre la portugaise lors du Championnat d'Europe de Football en 2000)! Et même si il y a eu main! C'était sans faire exprès!!! Comment il aurait pu faire autrement? Le type était en train de glisser et le ballon est venu frapper sa main! Et franchement siffler un penalty comme ça? En pleine prolongation? Avec le but en or en plus à l'époque? 


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